Quelles implications agricoles de l’entrée de l’Ukraine dans l’UE ?
L’élargissement de l’UE, actuellement en discussion, à huit nouveaux pays, pose un certain nombre de questions, notamment sur le plan agricole. Si le poids des Balkans de l’Ouest reste modéré au regard de la SAU européenne, l’Ukraine fait de son côté figure « d’éléphant dans la pièce », explique le think tank Agridées, qui détaille dans une note à paraître fin novembre les différentes inconnues agricoles d’une UE à 35 pays.
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Si, sur les 32 Mha de la SAU ukrainienne (dont 26 Mha de terres arables), 20 % sont principalement occupés par des micro-exploitations de subsistance, 80 % restants sont pour les trois-quarts exploités par des agro-holdings, dont la taille dépasse 1 000 ha voire 5 000 ha pour les plus grandes. Ces formes d’entreprises agrégatives, sur des surfaces inconnues au sein de l’UE, et caractérisées également par une forte verticalité de leur intégration sur les filières sont « des ovnis pour l’UE », explique Yves Le Morvan, responsable Filières et Marchés d’Agridées et co-auteur de la note. Pour, lui, la question qui se pose est ainsi de « faire entrer de telles structures sans créer un choc absolument décisif » pour l’agriculture intra-communautaire.
Sur le plan institutionnel, un « risque d’obésité »
Cet élargissement, le huitième depuis la création de l’UE, pose également des questions sur le plan institutionnel. « Le passage d’une Union à 34 voire 35 membres ne saurait se traduire par une augmentation du nombre de députés et de la composition du nombre de commissaires », explique Bernard Valluis, consultant Agridées et co-rédacteur de la note. Car le « risque d’obésité » est une gageure en matière de gouvernance, d’autant plus que la diversité des points de vue des différents Etats-membres pose déjà problème pour l’adoption des décisions importantes, qui nécessitent l’unanimité ou la majorité qualifiée (c’est-à-dire 15 Etats membres qui représentent 55 % de la population de l’UE).
Pourra-t-on appliquer la Pac ?
Aujourd’hui, la politique agricole commune post-2027 telle qu’elle est proposée par la Commission aurait du mal à s’appliquer en Ukraine, indique Yves Le Morvan, car cette politique, comme les autres politiques de l’UE, est conçue pour s’adapter à des contextes relativement homogènes. Or, la structure des exploitations en Ukraine diffère profondément du modèle d’exploitation familiale ou d’entreprise individuelle qui domine au sein de l’Union européenne.
Face à cette problématique, le think tank, fervent partisan d’un soutien à l’Ukraine, propose de créer une intégration différentielle. Sur le plan agricole, il préconise une aide structurelle ciblée vers les petits agriculteurs. En revanche, même si les agro-holdings pourraient être exclues des aides surfaciques de la Pac, il se posera tout de même « un véritable problème de compétitivité intra-communautaire et de choc des entreprises européennes », explique Yves Le Morvan, qui suggère pour le régler de maintenir un contrôle aux frontières ou de faire intervenir l’Autorité de la concurrence.
« Des zones agricoles importantes pourraient ne pas survivre »
Ces mesures différenciantes ne doivent pas pour autant faire oublier que les frontières continuent de s’ouvrir, avec des conséquences potentielles sur la vitalité économique des territoires de l’Ouest de l’Europe, notamment dans les zones intermédiaires en France. « Des zones agricoles très importantes aujourd’hui pourraient ne pas survivre », prévient Yves Le Morvan. Il ne s’agit pas seulement d’aides aux surfaces, poursuit-il, mais de ce que veut faire la France de son affectation budgétaire. Agridées évoque un axe de développement territorial, à travers un soutien innovant pour maintenir les agriculteurs en zones intermédiaires.
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